Est-ce que l’AML (anti-blanchiment) et les crypto-monnaies peuvent coexister?

Est-ce que l’AML (anti-blanchiment) et les crypto-monnaies peuvent coexister?

Apprendre & comprendre
28 mars 2018 par Victor

Récemment, une banque a refusé de travailler avec une place de marché de crypto-monnaies Bits of Golds. Raison invoqué par la banque : risque de blanchiment d’argent (AML : Anti Money-Laundering) en raison de la nature des crypto-monnaies (et non de la plateforme Bits of Gold)

Roy Keidar, du cabinet d’avocat Yigal Arnon & Co., a été interviewé par David Grana, et nous explique la situation avec du recul.

Résumé

  • Le tribunal israélien a statué qu’un compte bancaire ouvert par une bourse de crypto-monnaies ne peut pas faire l’objet d’un suivi adéquat, conformément aux règles de l’AML.
  • Les crypto-monnaies sont appréciées sur le marché noir.
  • Le système KYC (Know your Customer) présente encore des lacunes.
  • Les détenteurs de crypto-monnaies bénéficient des avantages de l’anonymisation.
  • La plateforme blockchain est utilisée pour éliminer les intermédiaires au sein des transactions financières.

David Grana: Selon la décision récente du tribunal israélien, quels sont les éléments clés rattachés à l’utilisation des crypto-monnaies ?

Roy Keidar : Il aura fallu environ un an et demi pour prendre cette décision. Ce n’est pas quelque chose de majeur dans l’ensemble, toutefois dans ce domaine particulier, elle explique comment les régulateurs évaluent leurs crypto-monnaies. Il s’agissait d’identifier si la décision d’une banque d’exclure l’ouverture d’un compte bancaire sur la bourse de crypto-monnaie Bits of Gold, était considérée comme légale. Les banques ont fait valoir qu’en raison des risques de blanchiment d’argent imminents, elles craignaient de se voir l’impossibilité de surveiller efficacement le compte bancaire concerné, conformément aux règles de lutte contre le blanchiment d’argent. Les banques s’inquiétaient des éventuelles répercussions provenant des organismes de réglementation israéliens et étrangers. Elle a par conséquent jugé nécessaire et plus sécurisé d’interdire les transactions en crypto-monnaies et a informé le titulaire du compte à chercher une autre banque pour gérer son activité. Bits of Gold a été l’une des premières plateformes de Bitcoin, qui a insisté sur le fait qu’elle ne violait aucune loi.

David : Dans cette perspective, les tribunaux ont-ils confié cette faille aux organismes de réglementation ?

Roy : Oui, les tribunaux ont confié la résolution de ce problème aux autorités de réglementation, tout en accordant aux institutions bancaires de pouvoir refuser l’ouverture d’un compte particulier.

David : Etant donné que les crypto-monnaies exploitent la plateforme Blockchain, l’investisseur devrait-il, dans ce cas, être obligé de se concilier aux lois AML et KYC ?

Roy : Supposons que l’AML s’applique à tous les investisseurs dans les crypto-monnaies. Il faudrait savoir si les luttes contre le blanchiment d’argent s’appliquent dans les échanges entre les monnaies fiduciaires (EUR) et les crypto-monnaies. Sachant que la Blockchain est un grand livre public qui enregistre toutes les transactions, nous pouvons revenir en arrière et voir exactement ce qui s’est passé. L’innovation apportée par la technologie de la Blockchain nous donne cette possibilité. Toutefois, bien qu’elle enregistre toutes les transactions, les utilisateurs de crypto-monnaies bénéficient de l’anonymisation. Le porte-monnaie y contribue grandement car les acheteurs et les vendeurs fonctionnent presque anonymement. Evidemment, nous ne pouvons pas ignorer le fait que les crypto-monnaies sont favorisées sur le marché noir. Mais il ne s’agit là que d’une perception. Le processus est anonyme lors de l’échange d’une crypto-monnaie avec une autre. Les codes font office d’identification. Rassurez-vous, les mesures de sécurité agissent de manière à ce que l’on puisse remonter jusqu’au porte-monnaie d’origine, si la monnaie fiduciaire est utilisée dans une activité illégale. Je constate que dans certains pays, on peut ouvrir des porte-monnaies et déposer de l’argent liquide sans passer par le processus KYC. Le système de monnaie fiduciaire comporte des failles notables en plus des coûts inhérents. Il faudrait alors se pencher sur la question.

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David : Qu’en est-il de la traçabilité de l’achat initial de crypto-monnaie?

Roy : Le passage via le processus KYC pour échanger les crypto-monnaies est obligatoire dans certains pays, tandis que dans d’autres pays cette procédure est optionnelle. Donc, oui, il peut être traçable, mais une fois de plus, j’insiste sur le fait que le système lui-même présente des failles.

David : Y-a-t-il un manque de coopération mondiale dans le domaine du KYC et celui de l’AML ?

Roy : Effectivement, bien que les crypto-monnaies ne sont qu’une partie infime du problème en ce qui concerne l’AML et le KYC. A titre d’exemple, il existe une collaboration à l’échelle internationale, dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme du Groupe d’action financière GAFI. Si les normes imposées à toutes les juridictions sont respectées, la collaboration est facilitée au mieux.

David : Est-il possible de garder des crypto-monnaies pour les utiliser dans une juridiction, tout en se conformant au KYC et à l’AML ?

Roy : Les points d’entrée des crypto-monnaies peuvent être réglementés. Je fais référence aux porte-monnaies qui exigent un processus KYC complet lors de son ouverture. L’inconvénient réside dans la décentralisation. Ces porte-monnaies peuvent échanger des monnaies dans le monde entier. Pour réglementer ces transactions, vous auriez besoin de la coopération des organismes de réglementation du monde entier.

David : Comment la Blockchain est-elle appliquée dans le grand écosystème financier ?

Roy : j’ai étudié les blockchains pendant deux ans. Les crypto-monnaies ne sont en réalité qu’une application de la blockchain, étudier ses multiples utilisations est fascinant. Je suis de ceux qui pensent que la blockchain est la plus grande innovation, depuis Internet. L’internet a trait aux données et à l’information tandis que la blockchain permet de se passer des intermédiaires. Ce qui résout l’un des plus grands problèmes du monde d’aujourd’hui. Elle fournit un réseau dans lequel vous pouvez exercer votre métier, transférer de la valeur, utiliser des contrats intelligents, enregistrer des activités et bien plus encore, tout en économisant beaucoup d’argent, du temps, de l’énergie et en permettant une gouvernance appropriée et congruente. Son application tend à se diversifier, de telle manière qu’à l’avenir, nous allons voir la blockchain dans des contextes encore insoupçonnés. C’est pour cela que cette technologie est si captivante. Nous voyons déjà expérimentées des blockchains publiques, comme le Bitcoin. Nous allons également voir de grandes entreprises utiliser des blockchains privées, comme le Consortium R3, qui comprend plus de 40 entreprises différentes. Son application s’étendra aux redevances, à l’immobilier, à la propriété intellectuelle et à la gouvernance. Elle est déjà utilisée pour identifier les réfugiés grâce à son caractère décentralisé. Vous pouvez l’utiliser pour fournir une identité provisoire. Cependant, de nombreuses modifications sont encore à prévoir, car le système est optimisable. Je ne suis même pas certain que la technologie sous sa forme actuelle soit celle que nous verrons plus tard. Je pense qu’il y aura des progrès majeurs dans les multiples utilisations et applications de la blockchain.

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Que pensez-vous des explications apportées par Roy en ce qui concerne l’évolution de la blockchain ? Pensez-vous que l’AML et les crypto-monnaies peuvent coexister ? Faites-nous part de vos opinions dans la section des commentaires ci-dessous.

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